En refusant de ralentir le rythme et en excluant l’utilisation de l’article 49.3, l’un des derniers recours à sa disposition, Emmanuel Macron confie le destin de son texte aux mains des parlementaires. C’est désormais une question de réussite ou d’échec.
Saura-t-il trouver une surprise sous le sapin ? En rencontrant les membres clés de la majorité et les leaders de son gouvernement le mardi 12 décembre soir à l’Élysée, Emmanuel Macron a exposé ses directives pour la suite de la réforme de la loi sur l’immigration, suite à la déconvenue subie par son camp à l’Assemblée nationale.
Pas question de perdre du temps. D’après les confidences de plusieurs participants à cette réunion, le président de la République a souligné son désir de sortir rapidement de la crise en fixant comme objectif l’adoption du texte avant Noël. Tout cela, sans recourir à l’article 49.3 ni envisager une dissolution.
Dans la foulée, le président macroniste de la Commission des Lois de l’Assemblée, Sacha Houlié, a confirmé mercredi matin à l’AFP que la Commission mixte paritaire – l’organe désormais en charge de la réforme – se réunirait lundi à 17 heures. Bien que certaines voix, notamment chez les centristes du Sénat ou parmi les alliés du MoDem, préconisaient une pause, ce n’est pas l’option choisie par Emmanuel Macron, dont la direction semble claire : On avance, coûte que coûte. C’est maintenant une question de réussite ou d’échec.
Emmanuel Macron place tous ses paris sur le Parlement…
Avec ces diverses déclarations, habilement divulguées par certains participants à la presse, le président de l’Élysée mise tout sur une seule carte : il confie entièrement le sort de son texte, débattu pendant plus d’un an et défendu comme la deuxième réforme majeure de son second quinquennat, aux mains des parlementaires.
Au départ, 14 d’entre eux, 7 députés et 7 sénateurs, réunis en Commission mixte paritaire (CMP). Selon le récit de plusieurs participants, le président espère aboutir à un compromis au sein de cette commission, mais rien n’est acquis. La composition de ce groupe se fait en fonction du rapport de force dans les deux chambres, et aucune formation politique n’a la majorité, même avec ses alliés. En cas de désaccord persistant entre les 14 parlementaires, des informations de presse suggèrent qu’Emmanuel Macron pourrait retirer son texte, un échec potentiellement retentissant pour le chef de l’État. Cependant, il pourrait également choisir de renvoyer le texte à l’Assemblée et au Sénat en cas d’issue défavorable en CMP.
Si la CMP parvient à un accord, la loi sur l’immigration devra encore être validée par un vote à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cependant, plusieurs signes indiquent que les débats au sein de la commission mixte paritaire conduiront à un texte plus proche de la version du Sénat, qui servira de base aux discussions, que de la proposition initiale du gouvernement.
« Il faudra que Les Républicains soient raisonnables en retirant les articles inconstitutionnels », a résumé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin dans les colonnes de La Voix du Nord mardi soir. « Mais il faudra aussi que la majorité fasse un pas en acceptant en partie ce qu’elle refusait hier. » Un accord avec le parti d’Éric Ciotti semble plus nécessaire que jamais pour franchir les prochaines étapes. Élisabeth Borne le recevra à nouveau à Matignon jeudi, multipliant les contacts avec les parlementaires susceptibles de faire pencher la balance.
… Et renonce à utiliser l’atout du 49.3
Avec un risque important : aliéner cette fois-ci la faction gauche du camp présidentiel, déjà méfiante en raison des ajouts de mesures orientées vers la droite, susceptibles de dénaturer une proposition initiale conçue pour reposer sur un équilibre entre les approches répressive et sociale, comme l’ont répété à maintes reprises les leaders du camp présidentiel au cours de l’année écoulée.
La situation serait délicate si la réforme finale accordait trop de concessions aux Républicains sur des points tels que la régularisation facilitée des travailleurs dans des secteurs en tension, par exemple, ce qui représente le point de discorde majeur avec les troupes d’Éric Ciotti et Bruno Retailleau. Elle serait insoluble si les parties campaient sur leurs positions.
De plus, pour cette accélération du processus, Emmanuel Macron semble avoir pris deux engagements cruciaux lors de ce dîner. Quelle que soit l’issue des débats, il ne procédera pas à la dissolution de l’Assemblée nationale, une hypothèse qui a circulé dans de nombreux esprits depuis l’échec de la motion de rejet, et il s’opposera à l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le texte sans vote, une tactique habituelle du gouvernement pour surmonter les blocages.
« Du temps, j’en ai déjà donné », aurait déclaré le président de la République mardi soir, selon le récit du Monde, en réponse à ceux qui l’encourageaient à ne pas se hâter. Cette déclaration reflète l’envie du chef de l’État de passer à autre chose, de mettre enfin derrière lui le dossier de la réforme de l’immigration. Il cherche ainsi à dégager le terrain pour son « rendez-vous avec la nation » et la suite de son quinquennat, que cela se fasse avec ou sans cadeau sous le sapin.