Depuis l’évasion de la prison d’Adolfo Macias, alias « Fito », l’Équateur est plongé dans le désordre. Le leader du gang de narcotrafiquants Los Choneros est actuellement le criminel le plus recherché du pays.
Le visage d’Adolfo Macias, également connu sous le nom de « Fito », est largement diffusé dans tout l’Équateur depuis dimanche. À l’âge de 44 ans, cet ancien chauffeur de taxi est actuellement le criminel le plus recherché du pays suite à son évasion de la prison d’où il dirigeait l’un des principaux gangs criminels d’Équateur.
« Fito » purgeait une peine de 34 ans de prison depuis 2011 pour des accusations de crime organisé, trafic de drogue et meurtre. Dimanche dernier, la veille d’une opération policière dont il semblait avoir eu vent, il s’est échappé de la prison de haute sécurité de Guayaquil, située dans le sud du pays. Le parquet a ouvert une enquête visant deux fonctionnaires pénitentiaires présumés avoir participé à cette évasion.
Adolfo Macias est le chef de Los Choneros, un gang de narcotrafiquants apparu dans les années 1990 dans la province côtière de Manabi, une région stratégique pour l’exportation de cocaïne vers les États-Unis et l’Europe. « Fito » exerçait également un contrôle sur le quartier du centre pénitentiaire de Guayaquil où il était détenu.
Les murs de l’établissement sont décorés de peintures en l’honneur d’Adolfo Macias, alias « Fito », et des vidéos le montrent en train de célébrer à l’intérieur de la prison, accompagné de musiciens et de feux d’artifice. Il a même enregistré le clip vidéo d’un « narcorroccido », une chanson populaire dédiée aux narcotrafiquants intitulée « El corrido del Leon ».
Dans cette séquence, « Fito » est présenté portant un large chapeau, se trouvant dans la cour de la prison aux côtés de quatre autres détenus. Il est en train de caresser un coq de combat et riant sur une mélodie interprétée notamment par sa fille, connue sous le nom de Queen Michelle.
Un rapport de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) publié en 2022 a souligné le « contrôle interne significatif » exercé par le chef de Los Choneros sur la prison. Le rapport notait également que lui-même, ainsi que Junior Roldan, un autre dirigeant du gang décédé l’année dernière en Colombie, bénéficiaient d’un « traitement différencié et préférentiel de la part des autorités ».
Un candidat à la présidentielle exécuté
Ces derniers mois, « Fito », qui a obtenu son diplôme d’avocat en prison, a fait la une des journaux équatoriens après l’assassinat début août de l’un des principaux candidats à l’élection présidentielle. Fernando Villavicencio, ancien journaliste et parlementaire, a été abattu par un tueur à gages colombien. Peu avant son exécution, il avait déclaré être menacé de mort par le chef des Choneros.
Celui qui n’était qu’un modeste chauffeur de taxi dans une autre vie s’est hissé à la tête du gang après les décès successifs des chefs précédents. Ces changements ont entraîné une fragmentation du groupe composé d’environ 8 000 membres, engendrant des « luttes intestines » entre ses différentes ramifications, selon le centre de recherches Insight Crime.
Par exemple, les Tiguerones et les Chone Killers se sont désolidarisés, devenant de puissants rivaux. Insight Crime affirme que, dans cette situation, Los Choneros ont « progressivement perdu le pouvoir au profit d’une alliance menée par Los Lobos ». Le chef de ces derniers, Fabricio Colon Pico, s’est d’ailleurs lui aussi échappé ce mardi de la prison dans laquelle il était incarcéré.
Pour renforcer leurs positions, les Choneros ont établi des liens avec de puissantes organisations criminelles en Colombie, comme le Clan del Golfo, et au Mexique, avec le Cartel de Sinaloa. L’Observatoire équatorien du crime organisé leur prête également des liens avec des réseaux des Balkans.
L’Équateur en « Conflit Armé Interne »
Les membres du gang dirigé par « Fito » se présentent comme des bienfaiteurs, faisant la promotion du trafic de drogue à travers des clips musicaux sur les réseaux sociaux, rythmés par des sonorités de musique urbaine. Les paroles de leurs chansons comportent fréquemment des menaces envers les journalistes et des mises en garde à l’égard des gangs rivaux.
L’évasion de « Fito » a déclenché plusieurs mutineries et prises d’otages de gardiens dans différentes prisons, largement relayées sur les réseaux sociaux. Dans un communiqué, l’administration pénitentiaire (SNAI) a signalé que 139 membres de son personnel sont actuellement retenus en otage dans cinq prisons du pays.
Face à cette situation, le président équatorien Daniel Noboa a déclaré l’état d’urgence ce lundi, et le ministère de l’Éducation a ordonné la fermeture provisoire de toutes les écoles du pays. Ce mardi après-midi, des hommes armés ont fait une irruption sur le plateau d’une télévision publique à Guayaquil, prenant brièvement en otage des journalistes et des employés de la chaîne.
Le même jour, le président a déclaré l’Équateur en état de « conflit armé interne » et a ordonné la « neutralisation » des groupes criminels liés au narcotrafic. Un premier bilan de cette crise sécuritaire indique qu’elle a déjà causé au moins 10 décès.