Une controverse émerge autour de la ministre de l’Éducation, Amélie Oudéa-Castéra, suite à ses déclarations maladroites en soutien à l’inscription de ses enfants dans l’établissement privé Stanislas à Paris.
Un établissement scolaire au charme d’une autre époque, situé rue du Montparnasse dans le 6e arrondissement de Paris. Avec son architecture en forme de croix, cet établissement accueille quotidiennement 3 660 élèves, de la maternelle aux classes préparatoires, tous aspirant à une excellence académique. Parmi ces élèves se trouvent les enfants d’Amélie Oudéa-Castéra, récemment nommée ministre de l’Éducation.
Lors de son premier déplacement le vendredi 12 janvier, la ministre a été interrogée sur sa décision de choisir l’école privée pour sa propre famille. Cette décision a suscité la réprobation des enseignants de l’école publique, la ministre exprimant sa “frustration” en tant que parent face à des “paquets d’heures pas sérieusement remplacées”. Ainsi, c’est dans la quête du meilleur pour ses enfants que la ministre et son mari se sont tournés vers l’établissement catholique Stanislas.
Bien que la ministre ait exprimé ses “regrets” samedi après-midi, soulignant qu’elle ne souhaitait pas blesser “certains enseignants”, la controverse a mis en évidence ce complexe scolaire privé. Ce dernier a été l’objet de plusieurs enquêtes journalistiques, notamment de la part de Mediapart, qui met en évidence “l’univers sexiste, homophobe et autoritaire du collège”.
« Opposé au mariage homosexuel et à l’avortement »
Fondé en 1804, le collège-lycée Stanislas fait partie des établissements privés les plus prestigieux de France. En 2022, son lycée a atteint un taux de réussite de 100 % au baccalauréat, avec 100 % de mentions. Parmi ses anciens élèves figurent des personnalités telles que Christian Dior, Martin Bouygues, Carlos Ghosn, François-Henri Pinault et Jean-Michel Blanquer.
Cependant, derrière cette réputation d’excellence académique se cachent des pratiques disciplinaires strictes. Un règlement rigoureux impose aux élèves des restrictions sur leurs tenues vestimentaires. Les pantalons troués, les ourlets, les tailles basses et les slims sont interdits pour les garçons. De plus, il est strictement interdit aux jeunes hommes de porter des colliers ou des bracelets.
Certains enseignements et valeurs suscitent également des interrogations. Selon plusieurs témoignages recueillis par L’Express, Le Monde et Mediapart, l’homophobie semble avoir sa place au sein de l’établissement. D’anciens élèves rapportent avoir été insultés de termes tels que “pédés” ou “gonzesses” par les surveillants, appelés “sous-préfets” dans l’établissement, pour la moindre attitude dérogeant aux normes.
Toutes ces convictions sont affirmées, même par le directeur de l’établissement, Frédéric Gautier, qui explique au Monde : “L’Église est contre l’union homosexuelle et contre l’avortement, n’est-ce pas ? Une école catholique ne peut exprimer autre chose.” En tant que responsable de l’établissement depuis 2015, il ajoute : “Je refuse que des problématiques sociétales, parfois les plus extrêmes, telles que le wokisme, deviennent un sujet de préoccupation chez nous.”
Climat sexiste et allégations d’abus sexuels
Outre l’homophobie, le sexisme semble également prédominer, justifié par les principes de chasteté imposés par l’Église. Les filles sont ainsi contraintes de veiller à ce que leurs tenues ne dévoilent pas la naissance de la poitrine ou les bretelles de leurs sous-vêtements. De plus, il existe des classes séparées en fonction des préférences des parents, en plus des classes mixtes.
« Aucun contact physique n’est autorisé, tout est perçu de manière sexualisée. On ne peut pas entretenir des amitiés », partage un ancien élève avec Mediapart. Du côté des filles, cette politique donne l’impression d’avoir été « hypersexualisées » dès l’école.
Plus préoccupant encore, l’établissement Stanislas a été plusieurs fois critiqué pour des cas d’abus et d’agression sexuelle impliquant des membres du clergé envers de jeunes élèves, comme le met en évidence l’enquête du journal Le Monde : des interrogatoires inappropriés, des caresses, des vidéos, etc. Une seule affaire a conduit à une condamnation.
En 2022, à la suite de la publication des enquêtes de l’Express et de Mediapart, le ministre de l’Éducation de l’époque, Pap Ndiaye, avait lancé une inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche ainsi qu’une enquête administrative à Stanislas.
Après avoir mené des centaines d’entretiens avec des enseignants, des internes, des parents et des membres de la direction, le rapport a été remis au ministère à l’été 2023. Cependant, comme le souligne Mediapart, le rectorat de Paris s’oppose à sa divulgation publique ou à la révélation de ses conclusions majeures. Ce dossier est actuellement sous la responsabilité de la nouvelle ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa Castera.