Le proviseur du lycée Ravel à Paris quitte ses fonctions pour des raisons de sécurité, selon un message interne adressé aux parents, élèves, enseignants et membres du conseil d’administration.
Le proviseur du lycée Maurice-Ravel, situé dans le XXe arrondissement de Paris, a démissionné de ses fonctions après avoir été menacé de mort. Selon nos sources, il a demandé sa retraite anticipée, initialement prévue pour la fin de l’année scolaire en cours. Cette demande a été acceptée par le rectorat de Paris en raison du contexte actuel et des événements récents.
Fin février, une élève avait déclaré avoir été bousculée et frappée par le proviseur qui lui demandait de retirer son voile. Le 1er mars, elle avait déposé plainte pour “violences n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail”. Le parquet de Paris a précisé que “le proviseur avait rappelé à trois élèves leur obligation de retirer leur voile dans l’enceinte du lycée. L’une d’entre elles, majeure et inscrite en BTS, avait ignoré le proviseur, ce qui avait conduit à une altercation.”
Les menaces de mort persistaient également sur les plateformes de médias sociaux
Plus tard, le proviseur avait été visé par des menaces de mort, y compris sur les réseaux sociaux. Il avait bénéficié du soutien de la ministre de l’Éducation nationale et du rectorat. Nicole Belloubet avait affirmé avoir agi “dès que nous avons été informés des événements” afin de “mettre en place un bouclier de protection autour de l’établissement et de son personnel”.
Le proviseur aurait été placé sous protection fonctionnelle. En retour, il aurait déposé une plainte pour “acte d’intimidation envers une personne participant à l’exécution d’une mission de service public”. Une source proche du dossier explique : “Le problème réside dans la persistance de ces menaces de mort sur les réseaux sociaux, avec même des vidéos directement ciblées contre le proviseur.”
Selon un message adressé mardi aux parents, élèves, enseignants et membres du conseil d’administration, le fonctionnaire a donc “quitté ses fonctions pour des raisons de sécurité”. “Étant donné que le proviseur du lycée Maurice Ravel est proche de la retraite, et compte tenu des événements récents, de leur médiatisation et de leur impact sur lui, il a été convenu, en accord avec la direction de l’académie de Paris, de lui accorder un départ anticipé”, confirme le rectorat de Paris.
“Malgré son désir de continuer ses fonctions jusqu’à la fin de l’année, il pensait que la situation allait se calmer. Cependant, étant donné la gravité des menaces, il était nécessaire de le protéger ainsi que les élèves et le personnel du lycée. Cette décision a été prise après concertation”, explique une source proche du dossier.
Après de tels événements, il est impossible de retrouver son état initial
Une proviseure parisienne, ayant elle-même été confrontée à des menaces de mort avant de reprendre ses fonctions, partage ses préoccupations : “C’est inquiétant, cela indique que le choc était encore plus difficile”, dit-elle à propos du départ du proviseur. “Cette situation lui appartient et mérite d’être respectée. Il a raison de ne pas se mettre en danger. On aurait tort de croire qu’on en sort indemne. On ne redevient jamais comme avant.”
Après avoir exercé une grande partie de sa carrière en Seine-Saint-Denis, où il a dirigé des établissements à Montreuil et à Bobigny, l’ancien proviseur du lycée Maurice-Ravel a donc dû quitter ses fonctions discrètement. Il a été immédiatement remplacé à la tête de l’établissement de l’est parisien. Connu comme étant un “excellent chef d’établissement, avec des principes et des valeurs” selon ses collègues, l’ex-proviseur n’avait jamais rencontré de problèmes majeurs jusqu’aux événements de fin février, qui ont ravivé le débat sur la laïcité à l’école.
Les proviseurs ressentent un malaise croissant
Nicole Belloubet avait déclaré au début du mois, lors de sa visite dans le lycée : “Les établissements scolaires ne peuvent fonctionner que dans le cadre du respect des principes de la République. Dans ce cadre-là, la laïcité est un élément indispensable au vivre ensemble.”
Mardi, la sénatrice (LR) de Paris, Agnès Evren, exprime son indignation face à ce départ : “Il avait simplement rappelé à des élèves que la loi de la République interdit le port du voile à l’école. Sa démission témoigne du profond malaise dans l’Éducation nationale. Par aveuglement, angélisme ou pour éviter les vagues, nous payons le prix de nos lâchetés.” Emmanuel Grégoire, premier adjoint (PS) d’Anne Hidalgo, commente : “J’adresse tout mon soutien au proviseur du lycée Ravel ainsi qu’à l’ensemble de son équipe éducative. La laïcité est un principe fondateur de notre République.”
Cette affaire met également en lumière le malaise croissant chez les proviseurs. Kamel Ait Bouali, secrétaire académique du Sgen-CFDT Paris et principal du collège Thomas-Mann (XIIIe), souligne : “C’est une décision qui relève de l’intime et que je ne souhaite pas commenter. Il n’est pas facile de reprendre après avoir été menacé de mort. Moi-même, je ne sais pas si je pourrais le faire.” Au début du mois de mars, lors d’une mobilisation inédite où près de 160 chefs d’établissement parisiens s’étaient rassemblés sur la place de la Sorbonne (Ve), le principal exprimait déjà son “malaise” face à une “situation qui se détériore”. “On nous reproche tout, on est vulnérables. Il y a toujours la peur de la stigmatisation du chef d’établissement qui va être taxé de racisme ou d’antisémitisme alors qu’il ne fait qu’appliquer le droit.”