Le 19 janvier 2024, des peines de prison avec sursis allant de trois mois à douze mois ont été prononcées à l’encontre des agents jugés pour leur implication dans l’interpellation violente de 2017. Le ministère public avait demandé des peines allant de trois mois à six mois, ainsi qu’une peine de trois ans de prison avec sursis.
Le 19 janvier, la cour d’assises de Seine-Saint-Denis a rendu son verdict condamnant les trois agents de police, âgés de 31, 34 et 43 ans, jugés pour l’interpellation brutale de Théodore Luhaka en 2017, au cours de laquelle celui-ci a été grièvement blessé à l’anus par une matraque télescopique.
L’auteur du coup a été condamné à une peine d’un an de prison avec sursis, assortie de cinq ans d’interdiction d’exercer sur la voie publique et de porter une arme, pour le délit de violences volontaires. Bien que reconnu coupable, la cour n’a pas retenu la qualification criminelle, estimant que le coup de matraque n’avait pas causé “avec certitude une infirmité permanente”.
Les deux autres policiers ont écopé de trois mois de prison avec sursis, assortis de deux ans d’interdiction d’exercer sur la voie publique et de porter une arme. Ils étaient jugés pour avoir porté des coups alors que Théo était menotté au sol. Le ministère public avait quant à lui requis trois mois et six mois de prison à leur encontre, ainsi que trois ans avec sursis pour le principal accusé.
Théo déclare : “J’ai ressenti une violation”
L’arrestation à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) le 2 février 2017 a été enregistrée par les caméras de surveillance de la ville : les images montrent un contrôle d’identité de jeunes qui dégénère, l’intervention de Théo Luhaka, suivi d’une altercation et d’un coup avec la pointe d’une matraque télescopique. “Je me suis senti violé”, a déclaré la victime au tribunal.
Théodore Luhaka, aujourd’hui âgé de 29 ans, est affecté par une infirmité depuis son interpellation le 2 février 2017 par les trois agents de la brigade spécialisée de terrain (BST). Malgré deux interventions chirurgicales, le jeune homme souffre d’incontinence et porte des séquelles irréversibles, selon les experts médicaux.
Le policier a exprimé sa “compassion” envers le jeune homme, mais a affirmé avoir utilisé une force “légitime”. Il a invoqué un accident en essayant de “faire pression sur le haut” de la cuisse “pour le faire chuter”. Cependant, une enquête administrative de l’Inspection générale de la police nationale a conclu à un usage disproportionné de la force.
Le représentant du parquet général a également estimé que ce “coup d’estoc n’avait pas lieu d’intervenir” lorsque Théodore Luhaka “ne présentait pas un danger immédiat”.
Selon lui, “les policiers ont perdu pied en voulant procéder à l’interpellation à tout prix”. Il a également souligné d’autres “violences policières (coups de poing, de genou…)” une fois le jeune homme au sol et menotté.
L’un des accusés a admis avoir commis un acte illégitime par “exaspération”. Un autre a déclaré, juste avant que la cour se retire pour délibérer, “regretter les conséquences de cette interpellation. Je pense avoir fait mon travail dans le respect des lois”, ajoutant qu’il “fait confiance à la justice”.
Diverses réactions
Peu après les prononciations des condamnations, Théo Luhaka s’est réuni en cercle avec sa famille, affichant un air sérieux. À sa sortie, il a été accueilli par une salve d’applaudissements. Me Antoine Vey, avocat de la partie civile, a réagi en déclarant : “C’est une décision d’apaisement que nous considérons comme une victoire.”
Des militants engagés contre les violences policières ont scandé “Du ferme pour la police !”, dénonçant ce qu’ils qualifient de “mascarades”. Ils brandissaient des affiches montrant les visages de personnes décédées suite à des interventions policières.
Amal Bentounsi, fondatrice du collectif “Urgence la police assassine”, a critiqué en déclarant : “Le message envoyé à la police, c’est ‘vous pouvez mutiler, tuer, vous aurez du sursis’.”
De son côté, l’avocat du gardien de la paix condamné à 12 mois de prison avec sursis a exprimé un “immense soulagement” à la sortie de la salle d’audience. Il a ajouté : “Pour la première fois aux yeux de la France entière, il est établi le fait, comme il le dit depuis le premier jour, qu’il n’est pas un criminel.”