Les mouvements migratoires entre le Mexique et les États-Unis ont atteint des niveaux sans précédent en 2023, avec environ 10 000 personnes tentant chaque jour une traversée illégale ces dernières semaines. Une nouvelle caravane de migrants est actuellement en déplacement. Face à cette crise, le secrétaire d’État américain Antony Blinken se rend au Mexique mercredi dans l’espoir de trouver des solutions.
Partis à pied de Tapachula, au sud du Mexique, entre 6 000 et 10 000 personnes, provenant de 24 pays différents, se dirigent actuellement vers les États-Unis, cherchant un avenir meilleur. Cette nouvelle caravane de migrants a commencé son trajet le 24 décembre, avec l’espoir d’attirer l’attention de la délégation américaine attendue au Mexique pour discuter de la crise migratoire.
Washington demande à Mexico de prendre des mesures pour contenir l’afflux de migrants en provenance d’Amérique centrale, de Cuba et d’Haïti. Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a exprimé sa volonté de fournir son aide, mais il a souligné qu’il aimerait voir des progrès dans les relations entre les États-Unis, Cuba et le Venezuela, ainsi qu’une augmentation de l’aide au développement dans la région.
10 000 passages par jour
Ces dernières semaines, le rythme des traversées à la frontière entre le Mexique et les États-Unis s’est intensifié, avec une moyenne de 10 000 passages par jour, selon les données de la police des frontières. Entre octobre 2022 et septembre 2023, plus de 2,4 millions de personnes ont été appréhendées, marquant une augmentation par rapport aux années précédentes.
À l’approche de l’élection présidentielle de 2024, la question de la crise migratoire prend une importance particulière aux États-Unis. Les républicains exploitent souvent la question du contrôle des frontières et de l’immigration clandestine pour critiquer leurs adversaires démocrates. Certains élus républicains au Congrès conditionnent leur soutien à une nouvelle aide pour l’Ukraine à la conclusion d’un accord sur l’immigration avec l’administration de Joe Biden.
“Joe Biden se trouve dans une position délicate”, souligne Jérôme Viala-Gaudefroy, chargé de cours à Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye et spécialiste des États-Unis. “Il doit répondre aux pressions des républicains, qui réclament des mesures plus strictes pour sécuriser les frontières, tout en cherchant à résoudre le problème à la source. Les causes profondes de la migration, liées aux aspects locaux de la politique et de l’économie, ainsi qu’aux changements climatiques, sont extrêmement complexes à résoudre.”
La fin du “Titre 42”
Comment expliquer ce nouvel afflux migratoire ? Jusqu’en mai, le “Titre 42” permettait aux États-Unis d’expulser immédiatement les migrants sans visa, y compris les demandeurs d’asile potentiels. Cette politique, instaurée par l’ancien président Donald Trump pendant la pandémie de Covid-19, a été utilisée plus de 2,8 millions de fois en trois ans. Son expiration a créé l’illusion d’un appel d’air pour les aspirants au rêve américain.
Il a en réalité été remplacé par le “Titre 8”, qui prévoit des refoulements accélérés, assortis d’une interdiction d’entrée sur le territoire pendant cinq ans et de possibles poursuites pénales. Cela n’a toutefois pas dissuadé des milliers de personnes de tenter de rejoindre le sol américain pour échapper à l’insécurité, à la violence ou à la précarité, principaux facteurs qui incitent les individus à quitter leur pays, selon les données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Depuis le début de l’année, plus de 500 000 personnes ont traversé la jungle du Darien, une zone dangereuse entre la Colombie et le Panama, pour rejoindre les États-Unis, selon le gouvernement panaméen début décembre. Ce chiffre est le double de celui de 2022, lorsque quelque 248 000 migrants avaient entrepris ce périlleux voyage, a indiqué le ministre de la Sécurité du Panama, Juan Manuel Pino. Selon l’OIM, la traversée de la jungle du Darien comporte de nombreux risques, les personnes étant parfois abandonnées sur des chemins boueux, emportées par les crues soudaines des rivières et exposées au vol, à la violence et aux abus sexuels.
“Un grand nombre d’immigrants, notamment des familles, sont prêts à prendre d’énormes risques pour atteindre les États-Unis”, explique Jérôme Viala-Gaudefroy. “Ces individus sont conscients qu’ils peuvent y avoir une vie meilleure qu’en restant dans leur pays d’origine.”
Législation sévère au Texas
Face à l’augmentation du nombre de migrants à la frontière, certains États américains ont pris des mesures, critiquant l’inaction du gouvernement fédéral. Le Texas, par exemple, a récemment fermé temporairement les voies ferrées des ponts d’Eagle Pass et d’El Paso en raison d’une “résurgence” des passages clandestins par les trains de marchandises. Des points de passage ont également été suspendus en Arizona et en Californie au début du mois. Les autorités américaines ont justifié ces fermetures en expliquant qu’elles étaient nécessaires pour redéployer des agents afin de faciliter le traitement des migrants. En fermant le trafic ferroviaire et entravant le passage du commerce céréalier, Washington cherche à exercer une pression sur le Mexique.
Le 18 décembre, le gouverneur républicain du Texas, Greg Abbott, a franchi une nouvelle étape dans la crispation du débat en signant une loi controversée criminalisant l’entrée illégale dans son État. Cette loi instaure une “infraction pénale d’entrée illégale au Texas en provenance d’un pays étranger”, passible de six mois de prison, voire jusqu’à 20 ans en cas de récidive. Prévue pour entrer en vigueur en mars 2024, cette loi confère aux autorités de l’État le pouvoir d’arrêter les migrants et de les expulser vers le Mexique, une compétence normalement dévolue aux autorités fédérales. Plusieurs organisations de défense des droits humains, dont l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), ont déposé un recours en justice pour contester la constitutionnalité de cette loi.