Cette sanction représente près de 3 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, atteignant un niveau “quasiment sans précédent”, étant donné que le maximum possible est de 4 %.
L’agence de protection des données française, la Cnil, a pris position ce mardi 23 janvier, imposant à Amazon France Logistique (AFL) une amende de 32 millions d’euros en raison de son système de surveillance des salariés jugé “excessivement intrusif”. Cette sanction représente près de 3 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, un niveau considéré comme “quasiment sans précédent” par l’autorité de la vie privée, sachant que le maximum encouru est de 4 %.
Après une enquête approfondie de quatre ans, la Cnil a déterminé qu’Amazon France Logistique (AFL) avait mis en place un système de surveillance des activités des salariés jugé “excessivement intrusif” en violation du règlement général sur la protection des données (RGPD). En 2021, le chiffre d’affaires d’AFL atteignait 1,135 milliard d’euros, avec un résultat net de 58,9 millions d’euros. Un porte-parole d’Amazon a réagi, déclarant : “Nous sommes en profond désaccord avec les conclusions de la Cnil qui sont factuellement incorrectes, et nous nous réservons le droit de faire appel.”
Des solutions de gestion pour optimiser les performances
En tant que filiale de la grande entreprise américaine de commerce en ligne, Amazon France compte plus de 20 000 employés en CDI, dont certains œuvrent au sein d’Amazon France Logistique, chargée de la gestion des vastes entrepôts, dont huit centres de distribution.
Recevant l’AFP le 16 janvier dans l’entrepôt situé aux environs de Douai (Nord), David Lewkowitz, président d’AFL, avait souligné l’importance d’avoir des outils de gestion précis pour garantir l’efficacité du traitement des commandes.
Dans cet entrepôt moderne, plusieurs dizaines de milliers de colis ornés du célèbre sourire sont traités chaque jour, passant d’une main à l’autre et d’une machine à l’autre au sein d’une organisation parfaitement orchestrée.
Au sein de ces quelque 90 000 m² répartis sur plusieurs étages, plusieurs centaines d’employés s’activent pour recevoir, identifier, stocker, emballer, vérifier et expédier des marchandises.
Au cœur de toute cette logistique se trouve un outil essentiel : le scanner. Cependant, selon la Cnil, qui a initié une procédure en 2019 suite à des articles de presse et des plaintes de salariés, Amazon France Logistique fait un usage excessif de cet outil.
« Pression constante »
Elle l’accuse notamment de collecter massivement des données de productivité via les scanners, en violation du RGPD.
Amazon conteste cette analyse, affirmant dans son communiqué que “l’utilisation de systèmes de gestion d’entrepôt est une pratique courante dans le secteur : ils sont nécessaires pour garantir la sécurité, la qualité et l’efficacité des opérations, ainsi que pour assurer le suivi des stocks et le traitement des colis dans les délais et conformément aux attentes des clients”.
Les scanners enregistrent trois indicateurs et les transmettent aux responsables, mais la Cnil considère que ces pratiques sont “illégales”. Le premier indicateur, appelé “stow machine gun”, signale lorsque l’article est scanné “trop rapidement”, en moins de 1,25 seconde. Le deuxième, nommé “idle time”, signale une période d’inactivité de plus de dix minutes. Le dernier indicateur mesure le temps écoulé “entre le moment où l’employé badge à l’entrée du site” et celui où il scanne son premier colis, a expliqué la Cnil à l’AFP.
La Cnil estime que ce système peut potentiellement contraindre les employés à devoir justifier toute interruption, même de “trois ou quatre minutes”, de l’activité de leur scanner, “les soumettant ainsi à une pression continue”.
La Cnil n’exclut pas de réaliser d’autres contrôles
En plus de ces critères, la Cnil critique Amazon pour la conservation de ces informations pendant une période de 31 jours, qu’elle considère comme “excessive”.
Amazon a informé l’AFP qu’il avait proposé à la Cnil de désactiver le “stow machine gun” et de prolonger le délai de déclenchement de l'”idle time” à 30 minutes.
La société affirme que le premier indicateur vise à garantir que chaque employé consacre le temps nécessaire à l’inspection de chaque article, évitant ainsi les postures susceptibles de compromettre sa sécurité et sa santé. Le second a pour objectif d’identifier des anomalies continues et anormales (absence de fournitures, défaillance des machines, etc.).
Amazon dispose de deux mois pour présenter un recours devant le Conseil d’État. La Cnil a déclaré à l’AFP qu’elle se réservait la possibilité de réaliser de nouveaux contrôles.