Le démocrate quitte le pouvoir affaibli par la victoire de Donald Trump, des problèmes de santé persistants et ses erreurs fréquentes. Dans ce contexte, difficile de mettre en avant son bilan.
Depuis le 6 novembre 2024, un « canard boiteux » silencieux hante la Maison Blanche. Lorsqu’il prend la parole, on se demande presque ce qu’il fait encore là. Ce palmipède, c’est Joe Biden, devenu le « lame duck », une position peu enviable occupée par tous les présidents entre l’élection de leur successeur et leur départ officiel de la Maison Blanche, le 20 janvier 2025 pour lui.
Pendant ces trois mois particuliers, Joe Biden reste installé dans le Bureau ovale. Pendant ce temps, son rival Donald Trump, qui a battu Kamala Harris, prépare sa transition, nomme les futurs membres de son administration et fait des promesses sur des sujets comme l’immigration et l’économie. Le président élu occupe déjà tellement de place dans les médias et la politique qu’on dirait presque qu’il a déjà pris ses fonctions, laissant Joe Biden en retrait, comme s’il était retourné dans sa résidence du Delaware.
Un adieu pour le moins étrange
À 82 ans, Joe Biden semble avoir tourné la page de sa carrière politique, donnant l’impression d’avoir déjà abandonné. Après un débat catastrophique face à Donald Trump, qui a mis en évidence ses nombreuses faiblesses, il a tenté de défendre sa vice-présidente dans la dernière ligne droite de la campagne, mais sans jamais la rejoindre sur le terrain. Ses rares apparitions publiques ont souvent été sources de controverses et de moqueries, comme lorsqu’il a porté une casquette Maga devant des pompiers ou qualifié les partisans de Trump d’« ordures ». Plutôt que de s’exprimer sur les dangers d’une victoire républicaine, ses interventions ont laissé place à des gaffes.
Depuis la victoire de Trump, Biden est encore plus effacé. Il n’a réagi ni à la nomination d’Elon Musk dans l’administration Trump, ni à celle de Robert F. Kennedy Jr, antivax notoire, à la tête de la santé. Aucun commentaire non plus sur la nomination controversée de Pete Hegseth à la Défense, ni sur les sorties internationalement improbables de Trump, comme ses propositions d’acheter le Groenland ou de faire du Canada le 51e État des États-Unis.
Le président se garde de se mêler des débats internes du Parti démocrate après la lourde défaite électorale, qui a vu Trump remporter le vote populaire et dominer les deux chambres du Congrès. Pourtant, pour Biden, cela semble n’avoir guère d’importance. Il reste amer contre ceux qui l’ont poussé à se retirer de la course en juillet.
Son silence est-il lié à son déclin physique ? Après qu’un premier article accablant sur l’état de santé de Joe Biden ait été publié en juin et rejeté par la Maison Blanche, le Wall Street Journal a publié une nouvelle enquête révélant comment l’administration fonctionnait avec un président affaibli. Selon le journal, le démocrate est soigneusement préservé, ses interactions sont limitées et souvent scénarisées.
Un exemple de cela a été son voyage en Angola début décembre, son premier en Afrique. Ce déplacement aurait pu être l’occasion pour Biden de prendre la parole face aux journalistes et de contrer le récit pro-Trump omniprésent. Cependant, il a évité la presse, et son voyage a été largement éclipsé par les frasques de Trump dans les médias. Les rapports ont principalement évoqué l’aide apportée par le président angolais pour aider Biden à monter une marche et son assoupissement durant une réunion, ce qui témoigne de la fatigue et de la fragilité du président.
Par ailleurs, quelques jours avant, Biden avait tenté de marquer une différence avec Trump lors d’une visite en Amazonie, où il a indirectement critiqué son successeur climatosceptique en appelant à la protection de l’environnement. Cependant, une scène filmée a rapidement fait le tour des réseaux sociaux : après son discours, Biden s’éloigne du pupitre mais semble perdu, se dirigeant vers la forêt, sans chemin visible, un moment qui a renforcé l’image de sa déliquescence physique.
Il serait injuste de résumer Joe Biden à une série de faux pas. Ces dernières semaines, il a cherché à mettre en avant ses réalisations économiques et ses investissements massifs, qui devraient avoir un impact significatif à long terme. Son administration a également annoncé plusieurs succès : l’annulation de 4 milliards de dollars de dettes étudiantes, des crédits alloués à l’Ukraine, la grâce de plus de 1 500 détenus, dont des condamnés à mort, et un cessez-le-feu entre le Liban et Israël.
Cependant, un autre événement risque de ternir son héritage après 50 ans de carrière politique, quasiment exemplaires : sa décision de gracier son fils, Hunter Biden, dans les derniers jours de son mandat. Hunter était poursuivi pour possession illégale d’arme à feu et fraude fiscale. Cette décision, prise début décembre, a provoqué un scandale, Biden ayant toujours affirmé qu’il ne gracierait pas son fils. Mais cette fois-ci, il a choisi de protéger sa famille, quitte à se mettre à dos une grande partie du pays, plutôt que de laisser Donald Trump exploiter cette affaire à des fins politiques.
Ainsi, Biden quitte le Bureau ovale dans une position délicate, détesté par une grande partie des Américains en raison de l’inflation. L’avenir dira si ses politiques économiques, dont les effets prendront plusieurs années à se manifester, lui permettront de retrouver la popularité. Quant à son héritage, il reste à voir s’il sera finalement salué. La communauté internationale semble déjà l’avoir relégué au second plan, Trump étant devenu l’interlocuteur privilégié des dirigeants mondiaux depuis le 6 novembre… à l’exception peut-être du pape François au Vatican, où Biden se rendra dans les derniers jours de son mandat. Une maigre consolation.